Histoire & patrimoine. Un vent de colère à Villers-Saint-Paul.

En pleine guerre de 100 ans, éclate la Grande Jacquerie qui va marquer profondément les esprits et notre terroir puisque son nom désigne, encore aujourd’hui, les révoltes paysannes.

En 1358, le royaume connaît une grave crise politique, militaire et sociale. Le roi de France, Jean II le Bon (1319-1364), est prisonnier des Anglais.

Après les défaites de Crécy en 1346 et de Poitiers en 1356, la chevalerie est décimée et discréditée. Les chevauchées anglaises se succèdent.

Ce sont des guerres de pillage qui dévastent les régions traversées. Les compagnies de mercenaires démobilisées saccagent également les campagnes. A Paris, Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, en lutte contre le pouvoir royal, entretient l’agitation.

La Révolte

La rançon de 4 millions d’écus d’or exigée par le roi d’Angleterre pour libérer le roi de France augmente la pression fiscale déjà très forte. Les seigneurs qui cherchent à compenser l’effondrement de leurs revenus, sont en quête de main-d’oeuvre pour remettre en culture les terres abandonnées suite à la grande épidémie de peste qui a ravagé le pays dix ans plus tôt. La colère, longtemps contenue, éclate avec une incroyable brutalité.

Les paysans, que l’on surnomme ironiquement les «Jacques Bonhomme» (1), ne supportent plus ces nobles qui ont lâchement fui devant les Anglais, et qui leur extorquent de nouvelles taxes. Le 28 mai 1358, à Saint Leu-d’Esserent, neuf gentilshommes, quatre cavaliers et cinq écuyers qui tentent de faire passer un convoi de vivres vers la capitale, tombent sous les coups des paysans. Les Jacques ont la supériorité, leur rage est redoutable. Au lieu de se disperser, la bande formée ce jour-là reste rassemblée et grossit. A leur tête, les paysans désignent Guillaume Calle un laboureur du village de Mello, ancien soldat. Chaque village élit son capitaine : Etienne Du Wes à Montataire, qui sera un fidèle de Guillaume, Germain Reveillon à Sacy-le-Grand, Nicolas Dufour, dit Malin, à Fouilleuse, Philippe le Boquillon à Avrechy.

Au coeur des événements

La révolte s’étend spontanément à tout le Valois, mais aussi au Beauvaisis, à l’Amiénois, à la Normandie et jusqu’en Bourgogne. Armés de faux, de bâtons ferrés et de couteaux, les paysans attaquent les châteaux, qui sont pillés et brûlés.

Villers-Saint-Paul se trouve au cœur des troubles. La commune est citée dans les lettres de rémission qui accorderont, plus tard, le pardon royal aux révoltés. On y apprend que le château de Mortefontaine a été mis à sac, que Pierre de Villers-Saint-Paul, possesseur du fief principal de Villers a été mis à mort par les insurgés et que Jehan Bernier, un riche Villersois, a été pardonné, parcequ’il s’était rallié aux Jacques sous la menace.

La répression

Des émissaires sont envoyés partout où la révolte gronde, mais sont généralement arrêtés et exécutés. L’un d’eux, Jean Rose de la Presle, d’Angicourt, chargé de rallier la ville de Compiègne, sera décapité. La violence se déchaîne et la noblesse commence par fuir. Le 9 juin, environ mille Jacques, appuyés par des milices bourgeoises, conduisent un assaut sur la forteresse de Meaux où sont logés le régent, le futur Charles V, et sa famille. Les paysans sont balayés par une charge de cavalerie. Dans le même temps, Charles II de Navarre, dit « Charles le Mauvais » prend la tête de la répression. Il engage des mercenaires anglais et rallie la noblesse. L’armée anglo-navarraise se met en marche.

Les insurgés se regroupent dans les environs du village de Mello.

Les Jacques ont confiance. Ils sont nombreux. Sans expérience des batailles rangées, ni équipement, ils acceptent, avec témérité, d’affronter l’armée des chevaliers. La bataille a lieu le 10 juin 1358, et cette erreur stratégique fatale tourne rapidement au carnage. Les Jacques s’enfuient et se regroupent près de Nointel.
Guillaume Calle établit un camp retranché regroupant six mille hommes et six cents cavaliers mal armés.

Le 12 juin, Charles le Mauvais attaque les Jacques sur le terrain situé au nord de l’actuelle Route Nationale 31, entre Nointel et Catenoy, en dessous de la chaussée Brunehaut. Sept mille paysans subissent l’assaut de deux à trois mille soldats du Navarrais. La plupart des Jacques sont tués ou sont faits prisonniers puis pendus.
Cet endroit a conservé le nom de «champ de Bataille». Charles invite alors Guillaume Calle pour discuter. Ce dernier accepte et se rend seul, sans escorte, dans le camp adverse mais c’est un piège, il est capturé et supplicié. Le lendemain, conduit à Clermont, coiffé par dérision d’un trépied de fer rougi au feu, il est décapité.

La répression est terrible. Quiconque est convaincu d’avoir été Jacques est pendu sans jugement. Charles de Navarre fait exécuter quatre boucs émissaires dans chaque village, dont les maisons sont incendiées. Les chefs des révoltés sont impitoyablement torturés et exécutés. La chevalerie française fait régner la terreur dans les campagnes. Près de 1500 Jacques sont massacrés à Poix, 800 près de Roye. La Jacquerie se termine, un mois à peine après avoir commencé, dans un bain de sang.

« Les Jacques avaient détruit les châteaux ; les nobles incendièrent les chaumières. ». à la fin juin le pays est complètement ruiné. La répression va se poursuivre pendant plus de deux ans et le nombre des victimes dépassera vingt mille selon les chroniqueurs.

Avec l’aimable collaboration d’Evelyne Bonnecaze et Bernard Develter.

Sources : Histoire de la Jacquerie de Siméon Luce 1894. Un peu du temps passé d’Emile Lambert 1967. La Jacquerie par Les AMIS de L’HISTOIRE à CAUFFRY (Oise). D’un clocher à l’autre n°6. 2008.

(1) : Pourquoi Jacques Bonhomme ? Le prénom «Jacques» est tiré du nom d’une veste courte que portent les paysans : la jacque. Quant au nom «Bonhomme», il a un petit côté péjoratif. De fil en aiguille, c’est l’ensemble des paysans qui sera nommé ainsi par la noblesse pour les tourner en ridicule.

L’ultime combat dans la plaine de Nointel

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Texte paru dans le Bulletin municipal n° 81 de Janvier 2017.

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